N’ayant pu recevoir l’accord du bistrot d’Eustache pour cause de demi-finale rugbystique, ce samedi dernier, nous nous sommes dirigés, grâce à Thierry Cazals, notre invité d’honneur du jour, et à Christophe Marand, qui connaît aussi l’endroit, en face du Centre Pompidou, au premier étage, dans le salon de thé au-dessus de la carterie « Images de demain », sise au 141 de la rue Saint Martin (métro Châtelet ou Rambuteau). Nous y avons été fort bien accueillis. Une table nous y avait été dressée rapidement dans une « aile » de cet endroit spacieux et à la décoration fort originale.
 Douze d’entre nous autour de Thierry avons donc pu apprécier ce dixième kukaï, et nous pencher sur 48 haïkus. La moitié d’entre eux (24) ont obtenu une voix – ou plus. Les plus remarqués ont été :

« Bienvenue « / dit toujours le paillasson / jeté à la décharge : Thierry Cazals (5 voix )

Vigne rousse / une grappe oubliée / finit de pourrir : Michel Duflo (4 voix)

Avec 3 voix :

Le fou-rire de mes 11 ans / retrouvé intact / dans cette vieille boîte en fer : Thierry Cazals

retour au pays / avant de voir les falaises / l’odeur des embruns : Michel Duflo

sortant du brouillard / seul, au-dessus de la plaine / - l’érable rouge : isabel Asunsolo

une plume de mouette / dans un os de seiche : / voilier d’enfant : Daniel Py

Avec 2 voix :

à ma fille / j’apprends la balance des blancs / sur un dahlia : Éric Hellal

Bougie toute neuve / pourtant la flamme, on dirait, / me reconnaît : Thierry Cazals

Défilé d’images / Canapé d’yeux clos / La télé ronfle : Joëlle Delers

écrivant la date / sur mon carnet de haïkus / - le train ralentit : isabel Asunsolo

Elle rallume la lumière / pour me regarder dormir - / la nuit moins noire : Christophe Marand

le chant des cigales / s’est éteint dans la rosée / d’un matin d’automne : Magali Duru

Pin-pon pin-pon… / En soufflant sur les braises / L’enfant fredonne : Paul de Maricourt

Rue Saint-Denis / Bob Marley XXL / « One Love » : isabel Asunsolo

et :

tassé sur sa chaise / le gardien du musée / contemple ses mains : Marie-Sylvine Dechaume



En suivant, Thierry nous a fait part de son itinéraire en haïku et de ses convictions quant à son écriture.

 Ainsi, le livre de Maurice Coyaud : Fourmis sans ombre fut son « déclic », sa découverte du haïku, dont il fit la « reconnaissance » encore plus que la « connaissance », vers la trentaine. Un autre de ses livres-déclics fut l’anthologie chez Fayard de Roger Munier : Haïku - d’après  les textes des 4 volumes de R.H.Blyth : Haiku, parus chez Hokuseido Press (Japon).
  Un fait à noter : Thierry mit trois ans à peaufiner son premier livre : Le rire des lucioles, qui a été depuis réédité deux fois – et à chaque fois retravaillé. 
 Thierry reconnaît deux polarités à l’écriture :

1) (se) Jeter sur le papier. 2) Rejeter.

  Car, dit-il « on met en valeur en enlevant. ». Il y faut du vide, du creux, de l’ellipse, de la suggestion, et « ne pas tout dire ». Il faut « couper dans les textes » ! Cela fait partie du travail du poète – puis de l’éditeur également, ce à quoi isabel, étant de la partie, a souscrit sans réserve. 
 Quant au rapport entre poème et illustration, il faut éviter la redondance, l’alourdissement mutuel et donc ne pas juxtaposer, superposer l’un(e) à l’autre, mais les confronter.
 D’autre part, « l’écrivain a une relation organique avec ses écrits ». « Un bon haïku doit nous faire couler » ; « qu’on soit englouti dans les eaux du poème ». Il y a « une part de nous qui doit couler » ! 
  Le premier jet est de surface, de perception. Puis il y a un approfondissement vers un « je ne sais pas », un « je ne sais quoi ». Pour ébranler le lecteur, il faut aussi que l’auteur soit ébranlé. L’on peut écrire un haïku en quelques secondes, mais ce sont des secondes qui ont été nourries d’années de moments vécus. C’est plus ludique et plus profond que simplement papillonner dans l’instant / les instants.
Thierry reconnaît à l’esprit d’enfance une extrême légèreté et en même temps une extrême profondeur (/ gravité). Il nous cita quelques haïkus d’enfants (qu’il initie souvent au haïku, dans divers ateliers),  dont celui-ci de Cathy :
                         Trois arbustes / Combien de vies / avant moi ?

Il reconnaît donc chercher dans le haïku « simplicité et profondeur », tout en ajoutant qu’ « un bon haïku n’a pas de fin à sa dégustation », puisqu’il recèle plusieurs niveaux de goût(s).

 Il nous a démontré son implication profonde dans cette écriture du haïku, où il faut aller au « cœur » des choses. Ne pas bricoler, mais « soi-même s’aventurer dans l’expérience ». « Écrire avec tout son être », dit-il encore, dans l’importance de l’ »imprégnation », de la « porosité ».

Une soirée riche, donc, dont les participants furent dans l’ensemble fort satisfaits. Merci encore une fois à Thierry d’avoir si bien échangé avec nous, en cette belle occasion !

Notre prochain kukaï (#11) a été fixé au samedi 10 novembre à 16h30. Le lieu n’a pas encore été définitivement choisi, puisque nous avons maintenant deux possibilités de lieu d’accueil. Ce qui est plus que probable, c’est que ce sera au tour de Dorothy Howard (du Canada) de nous honorer de sa présence !

Bien à vous, Et à très bientôt !

Daniel (et Christophe).