Compte-rendu Kukaï-inter-kukaï du 7 décembre 2013, animé par Seegan (Laurent) Mabesoone :

En présence de 21 haïjins et haïkistes des trois kukai : Seegan Kukaï, France Kukaï et Kukaï de Paris, 42 haïkus ont été échangés (bilinguement).



Ont été choisis comme « exceptionnels » par Seegan :

Essorer / une liasse de vieux torchons / sous les étoiles glacées (M. Tami Kobayashi, Seegan Kukaï, 7 voix.)

Sur la règle / le nom de ma mère / nuit étoilée (Mme Fumiko Usuda, Seegan Kukaï, 5 voix.)

novembre - / une poupée sans tête / abandonnée sur un siège de métro (Daniel Py, Kukaï.Paris, 3 voix.)

dernier septembre - / le feuillage du saule bien plus long / côté Seine (Daniel Py, Kukaï.Paris, 1 voix.)

Retour d’obsèques / la brume / a tout envahi (Danièle Duteil, Kukaï.Paris, 1 voix.)

Le jeune canard, / sur l’eau, derrière lui laisse / tant de finesse ! (Mme Haruko Maki, France Kukaï, 1 voix.)

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Ont été également remarqués par Seegan :

Le temps suspendu / au bout du fil de l’épeire / la chute d’une feuille (Valérie Rivoallon, kukaï.Paris, 6 voix :

avec ce commentaire additionnel de Seegan : l’araignée est un mot de saison d’été au Japon, alors que la chute des feuilles est d’hiver. Il souhaiterait qu’un saijiki français voie le jour pour qu’ « araignée » puisse être donc, sous nos climats un mot de saison plus étendu !)

Les moustiques m’attaquent. / Parfois je me laisse piquer, / Parfois je les tue. (M. Guso Yamaura, Seegan Kukaï, 6 voix.)

Sur un monocycle, / ma femme s’enfuit ! / Averse d’hiver. (Melle Teru Utashiro, Seegan Kukaï, 5 voix.

avec cette autre possibilité de « brouette » au lieu de « monocycle » : homophones en japonais.)

Froid de la nuit… / Manger seul et s’apercevoir / Qu’il n’y a plus de shoyu (Michio Tsuchiya, France Kukaï, 4 vx.

avec ce commentaire de Seegan : on y sent le wabi, la tristesse, mas aussi la patine (de la vie))

Dos de mon grand-père / où brûle un point de moxa / un beau jour d’hiver (M. Kosuke Kawasaki, France Kukai, 3 voix ;

Seegan suggéra « été de la Saint-Martin », voire « Été indien », pour la ligne 3.)

Sur la paume de ma main / le rythme tendre / De la pluie printanière. (Michio Tsuchiya, France Kukai, 3 vx ;

commentaire de Seegan : « tendre » et « pluie printanière » sont des notations un peu trop proches l’une de l’autre.)

Chaos de granit / le vent lisse les empreintes / des oiseaux de mer (Danièle Duteil, Kukaï.Paris, 2 vx.)

Ni centrales nucléaires, / Ni TGV monorail ! / Juste les fins nuages d’automne… (Mme Kazuko Okumura, eegan Kukai, 2 vx.)

Poussières d’atomes / Qui violent l’océan. / Début de l’hiver. (Mme Midori, France Kukai, 2 vx.)

mouches de toussaint / un dernier bain de soleil / avant de mourir (Michel Duflo, Kukaï.Paris, 2 vx ;

comm. de Seegan : « dernier » est peut être inutile, puisque c’est juste « avant de mourir ».)

brume matinale / plus impressionnant encore / le cri des corneilles (Patrick Fetu, Kukaï.Paris, 1 vx ;

comm. de S. : éviter des termes « trop » subjectifs tels « impressionnant », qui impose(nt) intellectuellement au(x) lecteur(s) les sentiments de l’auteur.)

Plus de couches ! / Ses petits pas dans la nuit / au clair de la lune… (Monique Serres, Kukaï.Paris, 1 vx ;

comm. de S. : plutôt que répéter « dans la nuit » et « au clair de lune », introduire par ex. « ses petits pas résonnent » (en L. 2))

Beau temps après la neige ! / Le thé d’Assam infusé / Un peu plus foncé. (M. Tami Kobayashi, Seegan Kukai ;

nb : le thé d’Assam est un thé foncé.)

Vernis des œufs durs / Derrière les carreaux embués / la première neige Monique Serres, KP, 1 vx ;

comm. de S. : Il y a beaucoup (/ trop) de choses dans ce haïku ; « embués » n’est peut-être pas nécessaire ; S. propose en L.1 : « j’avale un œuf dur ».)

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Autres haïkus – avec 2 voix :

Disposer le bouquet / De graminacées suzuki comme si / Soufflait le vent de la lande (Melle Teru Utashiro, Seegan Kukai)

Ne pas être aimée / Et n’aimer personne… / Les cerisiers rougissent. (Mme Grace Keiko, France Kukai)

Givre épais ! / Un immense arbre de ginkgo / Comme une divinité Nio. (Mme Fumiko Usuda, Seegan Kukai)

Dehors la tempête. / Un long tricot où je tisse / ma solitude (Mme Midori, France Kukai ;

comm. de Seegan : « solitude » est trop abstrait – proposition de remplacer par « le temps qui passe ».)

Galerie en été… / Tout être humain / Est une œuvre inachevée. M. Guso Yamaura, Seegan Kukai ;

com. : « galerie en été » est trop abstrait – proposition autre : « une feuille tombe en été » ( : S.)

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Autres haïkus – avec 1 voix :

Ciel glacial / Coupé en deux par / La trace d’un avion ! (Kosuke Kawasaki)

Sous l’abat-jour / d’un TGV / Premier jour d’hiver (Mme Haruko Maki, France Kukai)

Avant l’aube, / Glacials, effrayants / Les pavés de la rue. (Mme Grace Keiko, France Kukai)

Fête des défunts / la forêt encore verte / le vieillard aussi. (Roselyne Fritel, KP ;

comm. de S. : quand il y a une structure ainsi en A/B/A’, mieux vaut assembler A + A’ d’un côté et mettre B de l’autre, ex : Dans la forêt / un vieillard encore vert / pour la fête des morts.)

Encore une fois / sur mon cœur tombe la neige - / toujours son absence. ( : Patrick Fetu, K.P. ;

comm. « sur mon cœur » et « son absence » sont un peu abstraits. Il faudrait faire plus précis, plus net, ex (L.3 : « tu n’es pas là » )

Ce qu’il en reste, / Autant de souvenirs à venir ; / Été de la Saint-Martin ! (Christian Faure, France Kukaï ;

comm. : « autant de souvenirs à venir » est trop abstrait…)

Jogging - / les nuages blancs / dans la nuit bleue (Valérie Rivoallon, KP ;

proposition de S.. : ajouter « avec » entre « jogging » et « nuages »…)

La loi du marché / Après les chrysanthèmes / les jouets de Noël (Roselyne Fritel ; KP ;

com. : c’est plutôt un senryû. Pour un haïku il faudrait être plus concret (L.1). Par exemple : Le marchand de chrysanthèmes du cimetière / a traversé la rue / - Père Noël pour un mois)

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Autres haïkus :

dix grues de chantier / à l’assaut des étoiles - / tant de feuilles mortes (Michel Duflo, KP ;

com. de S. : il y a trop de sujets ( : 3) dans ce haïku.)

Sur la cime / Des marronniers, glaciale, / La lune de Paris ! (M. Shigemi Oobayashi, Seegan Kukai ;

com. : trop d’éléments également ici. En tant que mot de saison, on peut faire remarquer que la mort de Buson eut lieu un 25 décembre…)

Se séparer / Devant la silhouette d’un avion, / Regrets d’automne (Christian Faure, France Kukai ;

proposition de S. pour le dernier vers : « un cyclamen ».)

soleil persistant - / main dans la main pour traverser / les deux petits vieux (Meriem Fresson, KP ;

com. : on peut éventuellement se passer des « deux »)

Sans redémarrer / Aucune centrale nucléaire, / Rentrer dans l’hiver. (M. Shigemi Oobayashi, Seegan Kukai ;

com. : Le Japon n’a redémarré aucune centrale nucléaire à ce jour (par souci électoraliste ?…))

Atmosphère cruellement contaminée ! / La montagne revêt / Sa robe d’automne. (Mme Kazuko Okumura, Seegan Kukai ;

com. : « cruellement » est trop abstrait – il faut éviter la subjectivité, l’emploi des adjectifs, des adverbes. Proposition de S. (L.1) : trois ans que l’air est contaminé /)

annonce de bébé - / tant de mèches de cheveux / à mes pieds gelés (Meriem Fresson, KP :

com. : ce pourrait faire plutôt l’objet d’un tanka.)

Feuillage rouge / Des montagnes. Et dans la cage, / Un perroquet bleu. (Seegan (Laurent) Mabesoone, Seegan Kukai.)

Après le kukaï, / Partager un couscous… / Les passereaux migrent. (Seegan (Laurent) Mabesoone, Seegan Kukai. ;

note : c’est ce que nous avons fait, pour terminer la soirée dans ce restaurant Osmoz, qui nous avait accueilli pour cette réunion fort enrichissante, dans la rue de l’Ouest, près de Montparnasse, et ce entre 13h30 et 18h30 (!) Laurent s’est chargé des commentaires et de toutes les traductions dans les deux langues japonaise et française. Qu’il en soit ici encore chaleureusement remercié !

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Quelques commentaires supplémentaires de Seegan:

« Le haïku, c’est faire le vide entre deux images » °

° « tori awase » = juxtaposition d’images qui ne sont pas « ensemble », mais belles de vide… Cela demande d’être courageux (pour les rendre) riches de vide. »

« Si dans le haïku il y a l’homme + l’homme, c’est difficile de créer l’espace (le vide) entre deux images, alors que si c’est nature + nature, ça va mieux ou nature + homme, ça peut le faire également. »

« La métaphore n’est pas du haïku, elle est de la poésie. Pas de comparaison directe, mais éloignée. » Un (autre) exemple : au lieu de relier par « comme » ou « comme si », employez « et » entre les deux membres => il y a juxtaposition, plutôt. »

« Choisissez si vous êtes ému(e) par l’assemblage des images, ou, s’il n’y en a qu’une, par la profondeur de cette image. »

« L’insecte en haïku est souvent signe de la fragilité de la vie. »

Et encore : « Le haïku c’est le vide, et alors il y a de l’art. »

« Pas un seul mot inutile (dans le haïku)»

Au total, ce fut un bel après-midi passé sous sa « conduite » suivie d’une bien bonne et chaleureuse soirée !

Daniel.